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Le « Digital Act » la régulation numérique à la sauce EU

Le Digital Act n’est pas un texte unique, mais un « paquet numérique » de deux règlements européens majeurs adoptés en 2022 : le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA). Ces deux textes visent à actualiser les règles du jeu sur internet dans l’Union européenne, face à l’influence grandissante des géants du Net. Le DSA porte principalement sur la sécurité des utilisateurs et la responsabilité des plateformes en ligne, tandis que le DMA se concentre sur la concurrence et l’ouverture du marché numérique.

Ensemble, ils imposent de nouvelles obligations aux plateformes (notamment aux plus grandes) pour mieux protéger les citoyens, garantir la transparence des algorithmes et freiner les abus de position dominante. Faisons le point sur les raisons d’être du Digital Act, son application actuelle et ses effets concrets pour les internautes, les géants du numérique et les régulateurs, ainsi que sur ses perspectives d’évolution.

À quoi sert le « Digital Act » ?

L’Union européenne a conçu le Digital Act pour répondre à plusieurs défis contemporains du numérique.

DSA

D’une part, le DSA (règlement sur les services numériques) vise à mieux protéger les utilisateurs de contenus illégaux ou néfastes en ligne, à lutter contre la désinformation et la haine, et à renforcer la transparence des plateformes vis-à-vis du public (economie.gouv.freconomie.gouv.fr).

En d’autres termes, c’est comme un « RGPD du contenu » : les grandes plateformes doivent désormais mettre en place des procédures de modération plus rigoureuses, permettre aux internautes de signaler et de contester les suppressions de contenu, et clarifier les mécanismes de recommandation d’algorithmes. D’autre part, le DMA (règlement sur les marchés numériques) cherche à corriger le déséquilibre des marchés en ciblant les gatekeepers – ces géants technologiques qui contrôlent des infrastructures numériques (systèmes d’exploitation, moteurs de recherche, boutiques d’applications, réseaux sociaux, etc.) et représentent un quasi-monopole.

DMA

Le DMA leur impose d’ouvrir leurs écosystèmes : par exemple, ne pas privilégier leurs propres services ou permettre l’installation d’applications tierces. L’objectif affiché est « de garantir des marchés numériques plus équitables et ouverts en contraignant les géants du numérique à un certain nombre d’obligations et d’interdictions nouvelles ». En résumé, le DSA favorise la sécurité et les droits des internautes, tandis que le DMA encourage la concurrence et l’innovation au bénéfice de tous.

Ces deux règlements ont été conçus de manière complémentaire. Le tableau ci-dessous compare leurs points clés :
CritèreDigital Services Act (DSA)Digital Markets Act (DMA)
Objectif principalSécurité des utilisateurs en ligne et lutte contre les contenus illicites (discours haineux, désinformation, contrefaçons, escroqueries…), tout en renforçant la transparence des plateformes (modération, publicité, algorithmes…).Garantir une concurrence loyale sur les marchés numériques, notamment en limitant les abus des grandes plateformes (« gatekeepers ») et en ouvrant leurs écosystèmes (libre choix de services, portabilité des données, interopérabilité…).
Acteurs visésToutes les plateformes et intermédiaires en ligne offrant des biens, contenus ou services dans l’UE, avec des obligations renforcées pour les plus grandes plateformes (>45M d’utilisateurs).Uniquement les très grandes plateformes désignées (« contrôleurs d’accès ») remplissant des critères de taille (au moins 45 millions d’utilisateurs européens). Actuellement six géants sont concernés : Alphabet (Google), Amazon, Apple, ByteDance (TikTok), Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp) et Microsoft, rejoints plus tard par Booking.
Entrée en vigueurEntré en vigueur le 25 août 2023 pour les plus grandes plateformes et en février 2024 pour tous les autres intermédiaires.Entré en application le 2 mai 2023 (mise en conformité exigée pour les gatekeepers le 6 mars 2024).
Obligations principales– Mécanismes de signalement et de suppression rapide des contenus illégaux.
– Transparence accrue (conditions claires, explication des algorithmes publicitaires, droit d’appel pour les utilisateurs).
– Contrôle des marchés en ligne (vérification « Know Your Customer » des vendeurs).
– Interdiction des pratiques manipulatrices (« dark patterns ») et encadrement strict de la publicité (pub ciblée interdite, en particulier pour les mineurs).
– Ouverture des écosystèmes : l’utilisateur doit pouvoir installer des boutiques d’applications alternatives (sur smartphones Apple/Android)(quechoisir.org) et changer facilement de navigateur/moteur de recherche par défaut.
– Interdiction du “steering” (forcer l’utilisation de son propre service) : les plateformes ne peuvent plus imposer leur système de paiement exclusif (les développeurs peuvent proposer d’autres moyens de paiement).
– Interopérabilité des services essentiels (par ex. messageries) prévue à terme.
– Transparence des critères et traitement équitable des entreprises utilisatrices (pas de discrimination ni d’exclusion de concurrents sur la plateforme).
Sanctions en cas de violationAmendes dissuasives jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires mondial annuel en cas de non-respect (france.representation.ec.europa.eu) (peut-être assorties d’astreintes journalières) ; en dernier recours, l’accès de la plateforme peut être temporairement bloqué.Amendes sévères pouvant atteindre 10 % du chiffre d’affaires mondial en cas d’infraction (plus des astreintes).

Bilan actuel du Digital Services Act (DSA)

Premiers effets et observation prudente. Le DSA a eu son premier anniversaire en février 2024, mais de nombreux observateurs notent qu’il est encore « trop tôt pour tirer un bilan complet ». Les plateformes ont dans l’ensemble tenté de se conformer aux nouvelles obligations, mais les changements sont jusqu’à présent plutôt modestes. Par exemple, Meta (Facebook) a désactivé son outil de transparence CrowdTangle (permettant de tracer la diffusion des informations), ce qui a immédiatement été qualifié de non-conforme au DSA par la Commission européenne (blogdumoderateur.com). La Commission européenne a donc vigilant, ouvrant plusieurs enquêtes officielles à l’encontre de Meta et de X (ancien Twitter) pour d’éventuels manquements.

Arcom

À ce jour cependant, aucune sanction majeure (amende ou suspension) n’a encore été prononcée contre ces plateformes. L’Autorité française des médias et des communications (Arcom), désignée relais national du DSA, se dit prête à enquêter : elle a signé avec la DGCCRF et la CNIL une convention pour coordonner leurs actions face aux nouvelles règles (economie.gouv.fr). Concrètement, l’Arcom a d’ores et déjà indiqué qu’elle surveillera de près les grandes plateformes comme Google, Meta, Twitter ou Zalando (mutame.com).

Modération de contenu et signalements. Du point de vue des utilisateurs, le DSA introduit d’ores et déjà plusieurs dispositifs concrets. Les plateformes doivent mettre en place des « points de contact » faciles d’accès pour que tout internaute puisse signaler un contenu illégal (discours haineux, contrefaçon, faux médicaments, etc.). Dès réception d’un signalement crédible, elles sont tenues de retirer ou bloquer rapidement le contenu incriminé.

Marketplaces

Dans les faits, les plaintes remontées aux autorités nationales restent encore peu nombreuses (par exemple, la Belgique ne comptait en février 2025 qu’une dizaine de plaintes jugées recevables au titre du DSA – lecho.be), mais cet outil est censé permettre aux internautes d’agir plus directement pour faire respecter la loi en ligne. Par ailleurs, le DSA exige des marchés en ligne (marketplaces) qu’ils vérifient l’identité de leurs vendeurs (principe de « Know Your Customer »), afin de limiter les arnaques aux achats en ligne. Cela se traduit par davantage d’informations sur les vendeurs (nom, coordonnées complètes) transmises aux acheteurs en cas de problème.

Transparence et algorithmes. Le règlement place un fort accent sur la transparence. Les plateformes doivent rédiger des conditions générales compréhensibles, et expliciter leurs critères de modération : pourquoi un message ou une publicité a-t-il été retiré, comment contester cette décision, etc. De plus, elles doivent décrire clairement dans ces documents publics le fonctionnement de leurs algorithmes (notamment de recommandation et de publicité).

Par exemple, elles doivent indiquer quels paramètres influencent la diffusion des contenus ou des publicités. L’idée est de donner aux internautes une visibilité minimale sur pourquoi telle vidéo ou annonce leur est proposée. Sur les grandes plateformes, des progrès ont été constatés : certaines ont publié des guides de fonctionnement de leurs systèmes de recommandation. Mais la Commission veille à ce que cette obligation soit pleinement respectée, sous peine d’enquête (un exemple étant l’affaire CrowdTangle mentionnée ci-dessus).

Publicité Ciblée

Encadrement de la publicité ciblée. Enfin, le DSA apporte des avancées notables sur la publicité en ligne et la protection des usagers (en particulier des mineurs). Les pratiques manipulatrices dites « dark patterns » sont désormais interdites : il s’agit par exemple de techniques qui poussent trompeusement l’utilisateur à cliquer ou à s’abonner. Plus significatif, le ciblage publicitaire selon des critères sensibles (origine, santé, opinions, etc.) est strictement encadré.

En particulier, la publicité ciblée à destination des mineurs est interdite sur toutes les plateformes. Les sites doivent aussi proposer des alternatives de recommandation aux internautes (par exemple un fil d’actualités non personnalisé). Pour les citoyens, cela signifie qu’ils devraient voir moins de publicités personnalisées selon leur profil, et en particulier que les enfants ne seront plus ciblés par des annonces adaptées à leur âge (jeux, nourriture, etc.). Dans l’ensemble, ces règles rendent plus difficile pour les annonceurs de « traquer » chaque internaute sur le web, renforçant la confidentialité.

Bilan actuel du Digital Markets Act (DMA)

Entrée en vigueur et premiers objectifs. Le DMA est officiellement applicable depuis le 2 mai 2023. Il s’applique immédiatement aux six principales entreprises préalablement désignées (« contrôleurs d’accès ») et est progressivement étendu à d’autres acteurs classés comme « gatekeepers ». Ces entreprises (Alphabet/Google, Amazon, Apple, ByteDance/TikTok, Meta et Microsoft) doivent se conformer au DMA depuis le 6 mars 2024 (lexing.law).

Son objectif est de « garantir des marchés numériques plus équitables et ouverts ». Concrètement, il interdit aux gatekeepers de favoriser leurs propres services de manière excessive et leur impose d’ouvrir des fonctionnalités aux tiers. Par exemple, un géant de l’Internet ne peut plus interdire à un utilisateur de changer son navigateur ou moteur de recherche par défaut, ni contraindre les développeurs à utiliser uniquement son système de paiement interne.

Boutiques d’applications alternatives

Avancées concrètes pour l’utilisateur. Déjà, des améliorations tangibles sont perçues sur nos smartphones. Sur iPhone (Apple), il est désormais possible d’installer des boutiques d’applications alternatives – telles que AltStore ou l’Epic Games Store – permettant d’accéder à des logiciels auparavant réservés à l’App Store d’Apple (quechoisir.org). Il est aussi devenu plus simple, sur iOS comme sur Android, de changer de navigateur web ou de moteur de recherche par défaut.

Enfin, les applications mobiles ne sont plus obligées d’utiliser les systèmes de paiement intégrés d’Apple ou de Google (qui prélèvent chacun environ 30 % de commission) : elles peuvent proposer d’autres méthodes de paiement, y compris externes. Pour l’utilisateur, cela signifie plus de liberté de choix. Par exemple, un consommateur pourra installer une application depuis un magasin alternatif ou payer un abonnement en évitant les frais élevés d’Apple/Google, ce qui à terme peut faire baisser certains prix ou ouvrir l’accès à des services auparavant exclus.

Gatekeepers

Obligations et enquêtes pour les plateformes. Du côté des géants du Net, le DMA oblige à des changements profonds. Les « gatekeepers » doivent publier chaque année un rapport sur leurs mesures de conformité, et se soumettre à des ateliers techniques organisés par la Commission pour vérifier le respect des règles (digital-markets-act.ec.europa.eu).

La Commission a déjà utilisé son pouvoir d’enquête : en mars et avril 2025, elle a annoncé qu’Apple avait violé son obligation d’« anti-steering » (interdiction de forcer à utiliser uniquement son propre système de paiement) et que Meta n’avait pas suffisamment donné aux utilisateurs le choix d’un service demandant moins de données personnelles. En conséquence, la Commission a engagé des procédures formelles contre ces deux entreprises, pouvant aller jusqu’à des sanctions financières.

Le cas Apple

Dans le même temps, certaines affaires ont vu des avancées positives : après avoir examiné le dossier avec Apple, la Commission a récemment clos une enquête en estimant que Cupertino s’est engagé à respecter ses obligations (en particulier sur les options de choix d’utilisateur sous iOS). Elle a par ailleurs précisé via des décisions les exigences techniques que doit respecter Apple pour que des services alternatifs (applications, paiements, etc.) fonctionnent correctement sur ses plateformes. Autrement dit, la Commission est en train de tester et affiner le périmètre du DMA à travers ces procédures spécifiques.

Perspectives d’application progressive. Un an après son application, le DMA est encore en phase d’implémentation. Par exemple, la promesse d’interopérabilité des messageries (WhatsApp, Messenger, iMessage, etc.) reste pour l’instant largement sur le papier. D’autres mesures complexes, comme la publication de données techniques pour favoriser la concurrence (par ex. accès aux données de recherche), sont aussi prévues mais requièrent du temps pour être concrétisées. En résumé, les bases du DMA sont en place et quelques changements sont déjà visibles pour les consommateurs, mais le plein effet du règlement se mesurera sur le long terme.

Digital Service Act – Illustration Adobe Stock – dmutrojarmolinua

Enjeux concrets pour les citoyens

Le Digital Act transforme peu à peu la vie numérique quotidienne des Européens. Voici quelques conséquences pratiques qui devraient se faire sentir pour tout internaute :

Moins de contenus illicites et plus de recours.

Grâce au DSA, un internaute peut désormais signaler facilement un contenu douteux et voir celui-ci retiré plus vite. Par exemple, si vous tombez sur une vidéo diffusant de la haine ou proposant une arnaque, vous pouvez la dénoncer via le bouton de signalement de la plateforme. En aval, la plateforme a l’obligation de vérifier et d’enlever le contenu illégal.

À terme, on devrait voir moins de vidéos terroristes, de cyberharcèlement ou de produits dangereux rester en ligne longtemps. Le processus de résolution des conflits est également amélioré : si votre compte est bloqué ou un contenu est supprimé, vous avez un droit de contestation (pour demander à un modérateur humain de réexaminer le cas).

Transparence des recommandations (algorithmes).

Auparavant, les recommandations de contenus ou de produits sur les sites (vidéos suggérées, fils d’actualité, pubs) étaient assez opaques. Le DSA force aujourd’hui les plateformes à expliquer dans leur règlement (conditions générales) comment fonctionnent leurs algorithmes. Pour l’utilisateur, cela ne veut pas dire qu’il contrôle entièrement le système, mais il commence au moins à comprendre les critères (par ex. « contenu populaire » ou « interaction antérieure »). Cette transparence est un premier pas vers une utilisation plus éclairée d’internet : l’internaute sait que des choix techniques ont été faits pour lui proposer tel contenu, et qu’il peut, par exemple, modifier ses préférences.

Protection accrue contre la publicité abusive.

Les nouvelles règles ont également un volet « vie privée ». Les publicités personnalisées intrusives deviendront moins fréquentes. En effet, le DSA interdit les techniques de manipulation comme les « dark patterns » et, surtout, il bannit le ciblage publicitaire basé sur le profil personnel des mineurs. Concrètement, cela signifie que les enfants ne verront plus de publicités ciblées sur les réseaux sociaux selon leur âge ou leurs goûts personnels.

Pour les adultes, le ciblage publicitaire devra respecter la loi (consentement, etc.) et ne pas employer de données sensibles. Les plateformes doivent aussi proposer un fil ou un écran alternatif avec des contenus non basés sur votre profil publicitaire. Au final, les internautes européens devraient voir moins de pubs ciblées et plus de respect de leur vie privée dans leurs usages.

Plus d’options logicielles et de paiement.

Le DMA a ouvert certaines portes : par exemple, sur smartphones iOS ou Android, vous pouvez maintenant télécharger un navigateur ou une boutique d’applications autre que ceux fournis d’origine. Vous avez aussi la liberté de modifier le moteur de recherche par défaut dans votre navigateur plus facilement. Autre nouveauté : si vous achetez un produit ou service via une application, vous pouvez choisir un autre moyen de paiement que celui imposé par Apple ou Google. Pour les consommateurs, cela accroît la concurrence entre les services. Un peu comme on peut choisir sa banque ou son fournisseur Internet, on commence à pouvoir choisir plus librement ses outils numériques.

Communication inter-apps (à venir).

Une perspective future promise par le DMA est l’interopérabilité des messageries. Bientôt, en principe, un utilisateur de WhatsApp ou de Facebook Messenger devrait pouvoir communiquer avec un ami sur une autre plateforme (sous réserve que ces messageries mettent en œuvre la norme prévue). Ce sera une vraie révolution : c’est aujourd’hui impensable qu’un SMS ne puisse pas rejoindre un appel téléphonique classique, or de la même façon il n’est pas encore possible à un utilisateur de Messenger d’envoyer un message à un utilisateur de Snapchat. À terme, cette mesure permettra aux Européens de discuter entre différentes applications, simplifiant les échanges et allégeant le nombre d’apps nécessaires.

Ces changements quotidiens sont porteurs d’avantages : des internautes mieux protégés, avec plus de transparence sur le contenu et moins de pubs intrusives ; et des citoyens mieux informés, puisque les plateformes doivent expliquer comment elles modèrent ou recommandent les contenus. Si ces effets sont encore en cours de déploiement, les premiers retours montrent une nette volonté de l’UE de placer l’utilisateur au centre de la régulation numérique.

Effets pour les grandes plateformes et les régulateurs

Le Digital Act a redistribué les rôles et imposé de nouveaux devoirs aussi bien aux entreprises du Web qu’aux autorités. Pour les plateformes dominantes, c’est un surcroît de contraintes et un tournant de modèle économique.

Du côté des entreprises technologiques, les deux règlements impliquent des coûts de mise en conformité importants. Elles doivent adapter leurs infrastructures, recruter des équipes de régulation, rédiger de nouvelles politiques, et mettre à jour en permanence leurs systèmes. Comme l’ont souligné plusieurs observateurs, cette transition n’est pas aisée ni forcément rentable à court terme (mutame.com). Les sanctions prévues sont par ailleurs très dissuasives (jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires pour le DSA (france.representation.ec.europa.eu), 10 % pour le DMA (en.wikipedia.org)).

L’étiquette « Security »

Ceci dit, les acteurs majeurs coopèrent partiellement : on a vu Apple modifier iOS (avec la version 17.4) pour autoriser le sideloading d’apps, ou Google proposer plus de choix de moteurs de recherche sur ses téléphones. Certains continuent de pousser en justice (Apple a obtenu en 2024 l’étiquette « Security » pour son navigateur afin de refuser de laisser des tiers interfacer ses services, et conteste certaines limites du DMA).

Mais dans l’ensemble, la plupart des plateformes « ont essayé de rentrer dans le rang » (blogdumoderateur.com). Leur dialogue avec la Commission reste toutefois tendu, reflétant un bras de fer politique : les premières amendes (ou menaces d’amendes) contre Apple et Meta ont fait la une des médias en avril 2025 (digital-markets-act.ec.europa.eu).

Autorités de régulation

Pour les autorités de régulation, ces textes sont l’occasion de nouveaux pouvoirs. Au niveau européen, la Commission peut mener des enquêtes « marchés » et imposer des injonctions ou des audits (elle a déjà envoyé des « preliminary findings » à Alphabet et Meta pour non-conformité). Un comité européen des services numériques (composé des autorités nationales) coordonne les enquêtes conjointes.

En France, c’est l’ARCOM qui est pilote du DSA ; elle peut infliger des sanctions administratives et travaille avec la DGCCRF et la CNIL pour surveiller les plateformes. Du côté du DMA, la Commission reste l’autorité principale pour faire respecter les règles (avant qu’un tribunal européen tranche en cas de recours). Les décisions et contrôles menés en 2024-2025 (comme la désignation de six gatekeepers le 6 septembre 2023) ont activé un nouveau mécanisme de supervision technologique.

En résumé, les plateformes numériques majeures voient leur autonomie restreinte : elles doivent documenter leurs choix de conception, rendre des comptes chaque année, et faire évoluer leurs services pour laisser plus de place à la concurrence. Les régulateurs, eux, disposent désormais d’un arsenal inédit – outils d’enquête, amendes record, pouvoirs d’injonction – pour influer sur l’écosystème numérique. Ce double effet « plus de contrôle et plus de transparence » marque un tournant dans la gouvernance d’Internet.

Perspectives futures du Digital Act et autres lois numériques

Les règlements DSA et DMA sont conçus comme des cadres évolutifs. D’abord, la Commission européenne a d’ores et déjà prévu d’évaluer leurs effets à moyen terme et de proposer des ajustements si nécessaire. Par exemple, certains experts soulignent que le DSA doit rester assez souple pour ne pas devenir obsolète avec l’émergence de nouvelles technologiesmutame.com. De fait, la Commission n’exclut pas de durcir certaines obligations ou d’étendre la portée du DMA si les besoins changent.

Ensuite, le Digital Act ne vit pas isolément : l’UE complète ces règles par d’autres législations numériques. Ainsi, le Data Act (règlement sur les données) adopté en décembre 2023 va entrer en application le 12 septembre 2025 (commission.europa.eu). Il obligera les entreprises (notamment dans l’Internet des objets) à partager certaines données avec les utilisateurs et les pouvoirs publics en cas d’urgence (incendie, inondation, etc.).

Règlement sur l’intelligence artificielle

Son but est de créer une « économie des données équitable et innovante ». De même, le Règlement sur l’intelligence artificielle (AI Act) est entré en vigueur le 1er août 2024 et sera pleinement applicable à partir de 2026 (digital-strategy.ec.europa.eu). Ce texte, emblématique du leadership européen, impose des règles strictes aux systèmes d’IA à haut risque (sécurité, non-discrimination, transparence des modèles génératifs, etc.). Ensemble, ces lois forment une stratégie globale de l’UE pour encadrer le numérique : compétitivité, protection des droits, souveraineté technologique.

Enfin, le débat se poursuit sur l’équilibre à trouver. Certains utilisateurs et petites entreprises réclament toujours plus de transparence et de moyens pour exercer leurs droits (par exemple, un système simplifié de recours collectif). D’autres acteurs internationaux surveillent comment l’UE exportera ces normes : les Etats-Unis discutent d’une « Digital Governance Act », et même des pays tiers étudient l’importation d’éléments comme l’interopérabilité des services.

Des révisions

L’Union européenne peut aussi être amenée à réviser périodiquement le DSA/DMA, notamment lorsque de nouvelles plates-formes ou de nouveaux services (métavers, IA générative, etc.) émergeront. Pour l’instant, la priorité reste de déployer les dispositions en cours : le bilan des premiers mois montre une trajectoire ascendante (ateliers de conformité, premières enquêtes, rapports publics), mais la réussite de ce « marathon réglementaire » se mesurera sur les prochaines années.

Le Digital Act de l’UE marque un tournant historique : il traduit la volonté européenne de façonner un internet plus sûr et plus équitable. Pour les citoyens, cela se traduit déjà par un meilleur contrôle sur leur expérience en ligne (signalements facilités, moindre profilage publicitaire, plus de choix d’apps).

Pour les géants du numérique, c’est un durcissement inévitable de leurs pratiques habituelles. Et pour les régulateurs, ce sont de nouveaux outils puissants pour faire respecter les règles du jeu. À terme, l’Union européenne entend ainsi stabiliser l’espace numérique par un cadre de régulation complet – de la lutte contre les contenus illégaux à la promotion de la concurrence en passant par la protection des données et de l’innovation.

Annexes : tableaux récapitulatifs

Thème / ServiceAvant (situation antérieure)Ce que prévoit le Digital Act (DSA/DMA)
Contenus en ligne illicitesModération peu harmonisée, dépend du bon vouloir des plateformes. Pas toujours de signalement généralisé.Signalement facilité et retrait rapide. Les plateformes doivent offrir un outil de signalement aux internautes et retirer promptement tout contenu illégal.
Transparence des algorithmesLes critères de recommandation (vidéos suggérées, pubs, etc.) étaient opaques pour l’utilisateur.Obligation d’explication. Les plateformes doivent décrire clairement, dans leurs CGU, le fonctionnement de leurs systèmes de recommandation (paramètres clés).
Publicité en ligneCiblage publicitaire massif, souvent sans limite sur les données (sauf RGPD). Pratiques manipulatrices répandues.Encadrement strict. Les techniques dites « dark patterns » sont interdites, la publicité basée sur le profil personnel est réglementée, et le ciblage des mineurs est interdit. Les utilisateurs ont aussi droit à des recommandations sans ciblage.
Appareils et boutiques d’applicationsApple (iOS) interditait les magasins alternatifs d’apps, Google (Android) imposait Chrome/Play par défaut.Ouverture des écosystèmes. Grâce au DMA, on peut désormais installer des boutiques d’apps alternatives sur smartphone et changer plus facilement de navigateur ou moteur de recherche par défaut.
Paiements intégrés (in-app)Sur iOS/Android, les achats in-app étaient obligatoirement facturés via la plateforme (Apple/Google), avec commission ~30%.Paiements alternatifs. Les applications peuvent proposer des moyens de paiement externes, hors du système imposé par Apple ou Google.
Messageries instantanéesLes utilisateurs de différents services de messagerie (WhatsApp, Messenger, iMessage, etc.) ne pouvaient pas communiquer entre eux.Interopérabilité (à venir). Le DMA prévoit que les messageries se rendent « interopérables », permettant à terme à un utilisateur d’envoyer des messages d’une plateforme à l’autre.
Tableaux récapitulatifs du digital-act


Ces tableaux illustrent les changements concrets introduits par le Digital Act dans la vie numérique des citoyens européens – du renforcement de la modération et de la transparence en ligne aux nouvelles libertés d’usage sur leurs appareils mobiles. Ils complètent les explications du texte et montrent comment, plus généralement, les règles du DSA et du DMA s’appliquent concrètement dans des domaines clés (contenu, publicité, logiciels, etc.), au bénéfice des internautes. Chaque item est appuyé par les sources réglementaires évoquées ci-dessus.

Un tournant européen qui pourrait faire école

En instaurant le Digital Services Act et le Digital Markets Act, l’Union européenne n’a pas simplement adopté une réforme technique de plus. Elle a posé les bases d’une régulation numérique ambitieuse, pensée pour rééquilibrer les rapports de force entre les citoyens, les plateformes et les États. En misant sur la transparence algorithmique, la lutte contre les contenus illicites, la fin des monopoles déguisés et la responsabilisation des géants du web, l’Europe entend sortir de son rôle de simple spectatrice du numérique mondialisé.

Si certains acteurs économiques dénoncent une bureaucratie contraignante, il serait réducteur de n’y voir qu’une barrière réglementaire. Le Digital Act ouvre la voie à une éthique de la technologie fondée sur les droits fondamentaux, la souveraineté numérique et la protection des plus vulnérables. Ce mouvement législatif, en rupture avec la logique de laissez-faire souvent adoptée ailleurs, offre une boussole pour les démocraties confrontées aux excès de la dématérialisation.

Son impact

Son impact se mesure déjà dans les ajustements des grandes plateformes et dans la montée en puissance d’un débat citoyen sur la place du numérique dans nos vies. Mais son véritable enjeu se situe dans le long terme : parviendra-t-il à inspirer d’autres continents, ou sera-t-il contourné par une innovation toujours plus rapide que la loi ?

À l’heure où l’intelligence artificielle, la réalité augmentée et les plateformes immersives redéfinissent nos usages, la régulation européenne devra elle aussi évoluer sans perdre son ambition. C’est à ce prix seulement que le Digital Act pourra réellement transformer le numérique en un bien commun, plutôt qu’en un marché livré à lui-même. Le droit n’est pas une entrave à l’innovation, il peut en être la condition.

Pour aller plus loin :

Comment ne plus subir le télémarketing sauvage
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Digital RP

Digital RP, ingénieur passionné par les produits digitaux et électroniques, je fais ce site pour vous présenter les principaux produits publics et donner des conseils sur leur usages.

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