Coût de votre connectée
Le numérique paraît immatériel et propre. Un message, une vidéo, un clic et tout semble s’évaporer dans le cloud. La réalité est toute autre : chaque donnée, chaque flux, chaque requête mobilisent des infrastructures physiques, des serveurs et des réseaux qui consomment de l’électricité. Cette consommation énergétique, souvent invisible pour l’utilisateur, représente déjà une part significative des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Comprendre d’où vient cette empreinte, comment elle se répartit entre streaming, cloud, objets connectés et intelligence artificielle, et surtout comment la réduire, constitue l’enjeu central de cet article.
Le volume de données échangées dans le monde a explosé au cours de la dernière décennie. Le numérique représente désormais plusieurs pourcents des émissions globales de CO₂, avec une part en croissance. La production, le transport et le stockage des données mobilisent des ressources énergétiques colossales, tant pour les infrastructures que pour la fabrication et l’entretien des équipements. Cette énergie se dissipe loin des écrans, dans les centres de données, les câbles sous-marins et les réseaux de distribution. Pourtant, l’utilisateur final ne perçoit pas directement ce coût, ce qui rend la problématique d’autant plus difficile à appréhender et à modifier.
Les centres de données constituent le cœur énergétique de l’Internet. Ces bâtiments abritent des fermes de serveurs qui fonctionnent 24 heures sur 24 pour stocker et traiter nos emails, nos photos, nos vidéos et nos applications. Leur fonctionnement impose un double besoin énergétique : l’alimentation des serveurs eux-mêmes et le refroidissement permanent des équipements pour éviter la surchauffe.
Les techniques de refroidissement varient, allant de l’air conditionné classique au refroidissement liquide et à des solutions plus innovantes comme l’implantation en zones froides ou même sous-marines. Malgré ces avancées, la consommation totale de ces installations reste très élevée et croît avec la demande, car chaque nouveau service digital augmente la charge globale.
Le refroidissement représente une part non négligeable de l’énergie consommée par un data center. Les entreprises optimisent les architectures pour améliorer le PUE (Power Usage Effectiveness), indicateur clé du rendement énergétique. Une amélioration du PUE signifie que moins d’énergie est perdue en refroidissement. Certaines initiatives cherchent à récupérer la chaleur fatale pour chauffer des bâtiments ou des réseaux urbains, transformant ainsi une dépense en ressource utile. Néanmoins, ces solutions restent marginales face à l’ampleur de la croissance des volumes de données.
Le streaming vidéo est aujourd’hui l’un des principaux facteurs de trafic Internet. Regarder une série ou un match en 4K implique la transmission continue de données lourdes entre serveurs et terminaux. Chaque flux mobilise des serveurs, des infrastructures réseau et des décodeurs, et consomme de l’énergie à chaque étape. La qualité d’image est directement corrélée à la consommation : plus la résolution augmente, plus la bande passante nécessaire et la consommation énergétique augmentent elles aussi. À l’échelle planétaire, des milliards d’heures de vidéo visionnées chaque mois représentent une consommation énergétique considérable.
Les services de cloud gaming et les expériences immersives en réalité virtuelle multiplient la demande pour des calculs en temps réel et un streaming ultra-réactif. Ces usages exigent des serveurs puissants proches du joueur pour réduire la latence, ce qui multiplie les ressources mobilisées. Le résultat est une facture énergétique par heure de jeu plus élevée que pour le streaming passif, et une pression accrue sur des infrastructures qui doivent être toujours prêtes à répondre en millisecondes.
Individuellement, un thermostat connecté ou une montre intelligente consomme peu. Collectivement, la prolifération de ces objets change la donne. Dans une maison moderne, la multiplication d’objets connectés génère un flux constant de données vers le cloud pour synchronisation, mise à jour et analyse. L’agrégation de milliards d’objets connectés dans le monde multiplie la consommation énergétique totale, sans compter l’énergie grise liée à leur fabrication et à leur renouvellement rapide.
L’intelligence artificielle a transformé de nombreux secteurs, mais elle a un coût énergétique important. L’entraînement de grands modèles requiert des milliers de processeurs pendant des jours ou des semaines, et ces opérations consomment une quantité d’énergie comparable à celle de petites villes. De plus, l’inférence — c’est-à-dire l’exécution d’un modèle pour répondre à une requête — génère une consommation récurrente, car chaque interaction avec un assistant virtuel, chaque génération d’image ou de texte mobilise des ressources. À mesure que ces systèmes se déploient à grande échelle, la demande électrique qu’ils induisent devient un problème majeur à l’échelle globale.
Il convient de distinguer l’entraînement, intensive et ponctuelle, de l’inférence, continue et répétée. L’entraînement mobilise des ressources massives sur une durée limitée, tandis que l’inférence se réplique des millions de fois, parfois quotidiennement, et cumule ainsi une empreinte énergétique significative. Les efforts pour rendre l’IA plus efficiente se concentrent donc sur la réduction des besoins pendant l’entraînement et sur l’optimisation des modèles pour alléger l’inférence.
Activité numérique | Consommation moyenne d’énergie (kWh/h ou par action) | Source |
---|---|---|
Streaming vidéo HD | 0,15 à 0,2 kWh/h | Shift Project (2023) |
Streaming 4K | 0,3 à 0,5 kWh/h | IEA (2024) |
Cloud gaming | 0,45 kWh/h | ADEME (2024) |
Entraînement d’un modèle IA (moyen) | ≈ 500 MWh | MIT Tech Review (2024) |
Requête IA générative | 0,002 à 0,01 kWh | Stanford (2024) |
Stockage 1 To sur cloud / an | 20 à 25 kWh | GreenIT (2023) |
Maison connectée (20 objets) / an | 150 à 200 kWh | ADEME (2024) |
Face à ces défis, la recherche et l’industrie multiplient les solutions. Les data centers migrent vers des sources d’énergie renouvelables et optimisent leurs architectures pour réduire le gaspillage. Des techniques d’encodage et de transmission plus efficaces diminuent la bande passante nécessaire pour une même qualité perçue. Les algorithmes sont mis à jour pour devenir moins gourmands en calculs et de nouvelles puces spécialisées promettent des gains d’efficacité considérables. Par ailleurs, des projets audacieux testent des installations sous-marines ou terrestres utilisant le climat local pour limiter le besoin de refroidissement artificiel.
Certaines entreprises expérimentent la réutilisation de la chaleur produite par les serveurs pour chauffer des bâtiments ou des serres. Ces systèmes réduisent l’empreinte globale en transformant une perte énergétique en service utile. D’autres initiatives privilégient la modularité, permettant d’ajuster précisément la capacité d’un centre de données à la demande, évitant ainsi le surdimensionnement et le gaspillage.
Au-delà des innovations techniques, la réduction de la consommation numérique dépend aussi de nos usages. Limiter la lecture automatique des vidéos, privilégier un streaming en définition adaptée, nettoyer les données stockées inutilement sur le cloud, ou encore choisir des fournisseurs engagés dans les énergies renouvelables constituent des gestes concrets. Ces actions individuelles, multipliées par des millions d’utilisateurs, peuvent générer des réductions significatives. Cependant, elles doivent s’accompagner de politiques publiques et d’engagements industriels pour être réellement efficaces.
Les gouvernements commencent à intégrer la question de la sobriété numérique dans leurs politiques. Des réglementations imposant la transparence sur la consommation des services numériques, des incitations pour l’efficacité énergétique des data centers, ou encore des labels pour un numérique responsable sont à l’étude ou en cours de mise en œuvre. Ces mesures visent à créer un cadre où l’innovation technologique va de pair avec des impératifs environnementaux, et où la responsabilité ne repose pas uniquement sur les consommateurs.
Le numérique a permis des progrès immenses : télétravail, accès à l’information, services en ligne, télé-santé. Mais chaque avantage s’accompagne d’un coût énergétique réel. La bataille silencieuse de la consommation numérique impose de repenser la manière dont nous concevons, utilisons et régulons les technologies. L’objectif n’est pas de renoncer à la connectivité, mais de la rendre soutenable. Cela passera par des innovations techniques, des choix de société et des gestes quotidiens. Si l’on parvient à trouver cet équilibre, le numérique pourra continuer à transformer la vie collective sans compromettre l’avenir climatique.
L’Impact Environnemental des Dispositifs Digitaux
Combien vous coûte en électricité votre carte graphique ?
Appareils Électriques de Bureau quelle conso et coût ?
La consommation électrique de nos téléphones portables
Dans un monde saturé d’images numériques instantanées, les jeunes générations — la Génération Z et…
Depuis deux décennies, le format MP4 s’impose comme le langage universel de la vidéo numérique.…
Depuis quelques années, l’idée que les machines puissent ressentir ou comprendre les émotions humaines s’impose…
Une promesse de liberté face à la persistance numérique Depuis plus d’une décennie, le concept…
Le corps humain n’a jamais été aussi surveillé, analysé, et compris qu’à l’ère du numérique.…
Le numérique a déjà transformé la manière dont nous communiquons, travaillons et pensons. Pourtant, un…